J 98 (02 août) : mile 1501,2 à 1525, 5
Trop bien dormi après une bonne soirée passée avec d’autres hikers, réveil tardif vers 7h00. On prend un super petit-déjeuner avec café, pancakes, tartines et confiture. La propriétaire est adorable, elle a réussi à réparer les 2 bretelles de mon sac à dos qui se décousaient dangereusement. Elle l’a fait ça à sa manière avec du fil de couleur et un joli patch de tissu bariolé mais ça marche. Elle nous amène au départ du Trail en voiture, c’est moins dangereux que de marcher le long de la voie ferrée même si c’est moins dans l’esprit baroudeur … Départ tardif vers 9h00. Il va falloir envoyer pour rattraper le retard vu qu’il y a 24 miles à faire aujourd’hui… dont 20 de montée ! Il fait déjà très chaud et ça ne va pas s’arranger d’autant plus que la majeure partie de la montée va se faire à découvert et souvent dans des pierriers. Mais ce petit repos d’hier m’a vraiment fait du bien et je me sens en forme. J’avale les 5 premières heures avant de m’arrêter manger à côté d’une source. Je ne tarde pas trop à repartir car il me reste encore 10 miles à faire et il est déjà presque 15 heures. Je fais un dernier plein d’eau à une source un peu à l’écart du chemin puis termine les derniers miles avant de planter ma tente près d’une crête. Aujourd’hui il y avait de belles vues tout le long et ça devrait continuer les 3 prochains jours car on reste sur les crêtes.
J 99 (03 août) : mile 1525,5 à 1552,7
Le chemin aujourd’hui est à peu près plat, ondulant autour des crêtes et des flancs de montagnes. La progression est donc facile et agréable avec de beaux points de vue. Je croise pas mal de touristes à la journée car il y a une route avec un parking pas loin. On croise aussi de nombreux petits lacs en dessous de nous et même quelques petits névés isolés. À côté d’un cours d’eau je tombe sur de jolies plantes carnivores. J’en prendrais bien une pour s’occuper des moustiques…
J 100 (04 août) : mile 1552,7 à 1581,3
Je débute la journée par 2 séries de montées pas trop difficiles. Les paysages sont très beaux et dégagés de part et d’autre du chemin et je recroise encore quelques névés isolés. À midi je tombe sur un spot magnifique en haut d’une montagne avec une vue à couper le souffle et un bel endroit plat sous un arbre, idéal pour mon repas. Je termine ensuite la montée puis le chemin reste un peu sur le plateau avant de redescendre en passant plusieurs petits cols. Arrivé en bas je me pose un peu car c’est l’endroit où j’avais prévu de bivouaquer au bord d’un ruisseau, mais c’est assez encaissé et sombre. Je décide de poursuive 2 miles-et-demie de plus. J’ai déjà un peu plus de 26 miles dans les pattes et il est 17h30. Alors je convoque mon arme ultime : une bonne vingtaine de M&M’s et ma playlist des Rolling Stones qui tue. J’attaque la montée au rythme des percussions vaudoues de sympathy for the devil puis du piano enivrant de she’s a rainbow sur lequel j’improvise quelques pas de valse avec mes batons. Je suis ensuite accompagné par la chorale folle de you can’t always get what you want, Brown sugar et it’s only rock’n’roll. J’arrive au tentsite tout étonné d’y être déjà. Le spot est sur un petit col avec vue des 2 côtes de la montagne et le soleil promet de me faire un festival de couleurs en se couchant devant ma tente.
J 101 (05 août) : mile 1581,3 à 1601,9
C’est finalement le lever de soleil qui est le plus beau sur ce spot. Je pars vers 6h00 comme d’habitude. Je croise un grand troupeau de vaches qui ont la bonne idée de passer devant moi sur le chemin étroit. Je suis obligé de les pousser pour pouvoir avancer avant qu’elles daignent prendre un embranchement. Il va y avoir ensuite 2 bonnes montées puis une grande descente qui va m’amener au croisement de la route qui mène à Etna 10 miles plus bas. C’est une route très peu fréquentée et j’attends 1 heure en plein soleil avant de voir passer une voiture et d’être pris en stop. En bas je prends une douche, je fais la lessive et les courses puis repars en stop vers le chemin avec Joris qui m’a rejoint après mes 3 jours en solitaire. On attend encore un bon moment avant d’être pris et on arrive au chemin à 19h00. Nous marchons 1 heure et plantons la tente.
J 102 (06 août) : mile 1601,9 à 1629
La matinée commence avec une alternance de montées et descentes dans une forêt brûlée que je vais suivre toute la matinée. Vers 11h00 se dressent 2 grandes montées très raides avec plein de rocaille en plein soleil. C’est dur et chaud à cette heure là et j’en viens à bout vers 12h30 pour le repas. L’après-midi, je sors de la forêt brûlée qui fait place à de grands espaces verts et de multiples fleurs de montagne, on sent qu’on approche de l’Oregon et qu’on va bientôt quitter la Californie. Une dernière grande montée bien raide m’attend avant de poser la tente au bord d’un beau lac.
J 103 (07 août) : mile 1629 à 1656,7
2 montées encore bien raides pour commencer mais heureusement courtes (2 miles). Ensuite c’est la grande dégringolade vers Seiad Valley 5600 pieds plus bas. Le début de la descente est d’abord agréable à l’ombre et pas trop raide, ce qui permet de trottiner tranquillement. Il y a plein des baies au bord du chemin et notamment des mûres et des framboises que je cueille avec plaisir. Ensuite ça se corse : le chemin n’a pas été entretenu depuis longtemps et comporte de nombreux affaissements dans la pente, des plantes et arbustes envahissants et surtout énormément de troncs morts couchés qui empêchent de passer. Il faut grimper par-dessus car la pente de la forêt est trop raide pour contourner. Et comme on descend énormément en altitude le thermomètre grimpe à une allure folle. Je suis en nage même quand je m’arrête. Je fais ma pause de midi au bord d’un torrent à l’ombre mais même là je dégouline… La fin de la descente est difficilement supportable du point de vue chaleur d’autant plus qu’on se retrouve sur une route de campagne goudronnée pendant 6 miles. On longe la rivière Klamath qui est remplie d’oies sauvages et de canards . 2 miles avant la fin je vois arriver Joris à bord d’un vieux 4×4 conduit par un non moins vieil Américain qui s’arrêtent me prendre et on termine la route en écoutant notre chauffeur monologuer gaiement avec un accent à couper au couteau. On comprend pas grand-chose mais on est aussi contents que lui. On s’arrête manger dans une vieille auberge puis on plante nos tentes au pied de la grande remontée qui nous attend demain. Il fait une chaleur étouffante et j’ai du mal à m’endormir. Vivement qu’on remonte dans nos montagnes.
J 104 (08 août) : mile 1656,7 à 1680,1
J’attaque donc directement par la montée de bonne heure. Elle est bien raide et va me ramener en haut des montagnes en 9 miles environ. Heureusement qu’il fait plus frais qu’hier sinon ç’aurait été l’enfer. Arrivé au sommet on alterne montées et descentes avec de jolies vues sur les montagnes environnantes et encore quelques lacs. Vient ensuite une bonne descente en’ bas de laquelle je mange à proximité d’une source bien fraîche. Après le repas, il va falloir remonter la montagne en face puis à nouveau un chemin qui alterne montées et descentes. Arrivée au camps après 23,5 miles mais encore plein les pattes de 2850 mètres de dénivelé positif. Demain est un grand jour puisque je vais enfin quitter la Californie après près de 1700 miles pour entrer en Oregon !
J 105 (09 août) : mile 1680,1 à 1704,7
On a rattrapé Fred qui était devant nous car il ne s’était pas arrêté à Etna. On part ensembles tous les 3 en direction de la frontière. Ça monte un peu puis une grande descente nous mène au pied de la frontière. Il nous reste 1 heure de montée et nous l’atteignons vers 10h00. C’est une grande joie de changer d’état et nous restons une bonne heure pour fêter ça. On repart ensuite pour 2 heures de marche avant de manger. Le ciel se couvre rapidement et la température chute brutalement après manger. On entend le tonnerre gronder bruyamment . On sort nos tenues de pluie et on repart. 10 minutes après l’orage éclate avec une averse de grêle pendant 40 minutes puis ça se calme en restant bien couvert. Tout un tas d’odeurs de terre et de végétaux montent délicieusement aux narines. Je rate le marqueur des 1700 miles à cause de la pluie. On pose le camps vers 17h et la pluie se remet à tomber à la fin de notre repas. On se réfugie tous dans nos tentes.
J 106 (10 août) : mile 1704,7 à 1717,7
La nuit à été courte avec une grosse pluie continue et plein d’éclairs qui sont passés pas loin. Heureusement la pluie s’est arrêtée en fin de nuit. Je m’extraie difficilement de mon duvet qui est tout humide. La tente est évidemment trempée et pleine de boue. Je pars rapidement pour franchir les 13 miles qui me séparent de Ashland, la première ville d’Oregon dans laquelle je vais m’octroyer un peu de repos. Les paysages sont beaux avec une brume dans toutes les vallées environnantes dans laquelle nous allons nous enfoncer en descendant. J’arrive finalement en bas au Callahan’s lodge (un hôtel restaurant) avec Joris et on attend Fred pour manger puis on commande un uber pour Ashland car la pluie s’est remise à tomber. On se trouve un petit motel pour se poser 2 nuits et faire sécher toutes nos affaires.